Le terme « esprit » en français renvoie à plusieurs termes en latin : Mens, traduisant le grec noûs, Animus, correspondant au grec psychê, Spiritus, correspondant au grec pneuma.
Le terme « esprit » peut donc être employé en des acceptions différentes, puisque le français ne dispose que d’un mot pour toutes ces notions.
L’esprit, un terme source de confusion
Mais les risques de confusion ne s’arrêtent pas là. Le terme mens est plutôt d’usage philosophique et renvoie aux activités de connaissance. Sa conception varie selon les positions philosophiques :
- L’esprit (mens), tel que le conçoit Descartes au 17e siècle, relève de l’activité d’une âme distincte du corps.
- En cela, il diffère de l’esprit des neurosciences (mind en anglais) ou de la philosophie de l’esprit au 21e siècle.
- Le terme spiritus renvoie plutôt à l’anthropologie chrétienne, héritant de la traduction en grec de termes employés dans le judaïsme pour parler de l’esprit dans un contexte religieux : le latin spiritus traduit le grec pneuma, qui correspond lui-même à l’hébreu rûah, souffle de vie.
Le résultat de cette histoire compliquée est assez étonnant. On pourra parler aujourd’hui d’esprit pour désigner un ensemble d’activités mentales, fortement corrélées aux activités cérébrales, ce qui permet de faire l’économie du concept d’âme comme réalité immatérielle distincte du corps.
Mais on pourra également parler d’esprit pour désigner la fine pointe de l’âme en relation avec l’Esprit de Dieu : nous sommes à proprement parler dans le domaine de la spiritualité. L’esprit apparaît alors comme le sommet de la vie psychique, comme faculté de connaissance et début de la vie spirituelle, là où, dans le fond de l’âme, l’Esprit divin élève, illumine, et sanctifie l’homme.
C’est ainsi qu’un même mot est utilisé pour signifier des conceptions opposées : l’une compatible avec une vision matérialiste de l’homme, l’autre porteuse d’une vision spiritualiste.
Comment se fait-il que, dans nos usages actuels, l’esprit (mens) soit dépourvu de toute connotation spirituelle ?
Un tournant se produit avec la pensée de Descartes : l’âme n’est plus principe de vie et de pensée, mais seulement principe de pensée. Le corps, analysable en termes de mouvement et de figure, relève de l’étendue. L’âme relève de l’attribut qui la définit : la pensée. La vie ne relève plus d’une âme avec des fonctions d’animation du corps, de sorte que l’esprit (mens) n’est plus « une partie de l’âme, mais cette âme tout entière qui pense » (Réponses aux cinquièmes objections., II, IV).
L’esprit (mens) recouvre l’entendement et la volonté que la philosophie antique attribuait à l’âme rationnelle, mais aussi des activités auparavant attribuées à une âme sensitive et motrice, comme la sensation ou l’imagination, car l’âme est une et indivisible : tous les actes de pensée s’y ramènent.
Âme et esprit sont donc deux noms différents pour une même réalité définie exclusivement par l’activité de penser.
Une des conséquences de la démarche cartésienne, c’est que l’union de l’âme et du corps pose alors problème, donnant naissance au mind-body problem. Descartes a si bien analysé leur différence de nature, que l’union et l’interaction entre l’âme et le corps devient difficile à penser. Comment des réalités aussi hétérogènes pourraient-elles s’unir ou interagir ?
Spinoza et Leibniz déploieront des trésors d’ingéniosité théorique pour y apporter une solution. Finalement, le plus simple sera de réduire une réalité à l’autre. Et avec les progrès de la connaissance du cerveau, la solution qui va s’imposer sera de faire dépendre les activités de l’esprit de sa base neurologique : des activités cérébrales.
L’esprit désigne alors un ensemble de fonctions cognitives, qui ne supposent pas l’idée métaphysique d’âme, et qui permet même d’en faire l’économie.
Et le mental ?
En l’absence de toute connotation spirituelle, le terme esprit peut simplement désigner l’ensemble de nos activités mentales. Il correspond alors plus ou moins à ce que certains appellent aujourd’hui le mental.
Le substantif « le mental » est étranger à la philosophie : malgré le lien étymologique, mens est traduit par esprit en français et par mind en anglais. Dans l’usage qui en est fait aujourd’hui, ce terme, le mental, relève plutôt d’une psychologie liée au développement personnel, qui emprunte parfois des notions à la psychologie hindoue ou bouddhiste.
Malgré ces différences, il y a un point commun à ces approches : il est en nous une faculté de connaissance (noûs, mens, buddhi) qui constitue le sommet de la vie psychique, et qui, sous certaines conditions – apaisement, purification de l’âme, conversion de la pensée vers l’intérieur – peut se dépasser en intelligence intuitive et nous ouvrir vers une dimension supérieure et divine.
Merci, Laurent, de ces brillantes clarifications !
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